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HG47
3 avril 2013

17 « C’est inouï, mesdames et messieurs ! Il ne

17
« C’est inouï, mesdames et messieurs ! Il ne reste plus aucun volontaire, plus aucun participant des premiers districts, qui gagnent en général les Jeux ! Cette session est tout bonnement époustouflante ! Si seulement tout ceci n’était pas miné par la dernière polémique en date… Figurez-vous, chères Capitoliennes, chers Capitoliens, que des rumeurs prétendent que la guérison d’Azurée, que nous pourrions qualifier de miraculeuse, serait en partie due au fait que son organisme a pu encore contenir des traces des médicaments restructurants, ceux-là mêmes qu’on lui a inoculés après sa tentative de suicide. Certains réclament même l’annulation des Jeux, purement et simplement ! Joric ?
— Caesar, je me trouve actuellement au centre médical de la tour d’entraînement, où les échantillons sanguins et urinaires d’Azurée sont analysés à nouveau. Les médecins prétendent que les doses étaient trop infinitésimales pour être encore efficaces au début des Jeux, mais nous en saurons plus dans les prochaines heures.
— Tenez-nous au courant, Joric ! Chers téléspectateurs, revenons à la guerre qui fait rage dans cette arène aux allures d’apocalypse ! »
Apocalypse !
Secousse brutale. Je perds l’équilibre. Tombe à terre. Me retiens sans le vouloir sur une arête rocheuse. Me coupe toute la paume de la main. Ça pique. M’en fiche.
Devant moi, les pics rocheux, ils sortent de terre et viennent percer le ciel. Les bourrasques de poussière s’enroulent autour d’eux.
Je vois trouble.
Secousse. Tout bouge, tout tremble. Je me relève tant bien que mal. J’avance. Le sol vibre.
« Torch ! »
Ma voix se perd dans les méandres des pointes rocheuses, qui sortent et rentrent dans la terre.
Je me remets à avancer chaque fois que la terre se calme.
Un nuage de poussière qui s’enroule vers le ciel. Se dissipe devant moi.
Je le vois enfin.
« Torch ! Ne bouge plus ! »
Il se retourne, ricane, s’échappe de ma vue.
Secousse.
Je saute. Je vole pendant un temps.
Le choc brutal contre le sol. Mes tempes qui brûlent.
Vent qui fouette. Hurlements stridents des cheminées qui dégazent des vapeurs brûlantes.
Tout est flou. Tout se désagrège.
L’air est irrespirable.
Ma tête tourne. Ou c’est le sol. Les éléments se font et se défont perpétuellement. Je ne sais plus dans quel sens je vais.
Un défilé lugubre devant moi. L’air s’y infiltre et s’évade dans mon dos.
« Les choses que l’on fait dans la vie ne nous ressemblent pas toujours. C’est en cela qu’on se montre étonnant et intéressant pour les autres. Cette possibilité de créer de l’inattendu. »
La voix d’Ethan roule dans l’air, pénètre dans tout mon corps, m’enlace en spirale avant de reprendre sa glissade insensée et de me laisser seule dans le défilé.
Ai-je assez changé pour vous tous, qui me regardez mourir dans cet enfer ?
Secousse. Je titube.
Encore une. Mon genou frappe contre une roche. J’entends un bruit sourd.
Encore une. Je me mords la langue. Le sang chaud dans ma bouche.
Encore une. Je vole à nouveau.
Le vent siffle dans mes oreilles pendant que je suis en l’air. Le temps semble s’être arrêté et tout est figé comme moi dans les airs, toutes les particules de poussière, les petits cailloux et même quelques gros rochers. Cet arrêt soudain me semble si poétique ; pour un peu, je trouverais cela presque beau.
Le choc brutal contre le sol. Dieu que ça fait mal. Je crache un caillot de sang. J’ai la lèvre tuméfiée.
Je me redresse sur mes bras flageolants.
Il est devant moi. À terre lui aussi.
Le sol se calme un instant. Une vapeur brûlante nous sépare.
Il me fait face, le sabre en main, les jambes arquées. Je me relève et tends mon arme.
Pas de regret. Il faut en finir.
Terre qui vrombit sous nos pieds. Brouhaha incessant.
Il me regarde, imperturbable, sérieux. En nage, essoufflé. Va-t-il me sauter dessus ?
Ne lui laisse pas le temps !
Je finis ce qui a été commencé.
J’appuie sur la détente.
Fumigènes qui s’échappent de la terre. Vent qui siffle dans mes oreilles.
Mais pas de bruit. Pas de hurlement du flingue.
J’appuie à nouveau. Et encore et encore. Clic, clic, clic.
« Quoi ?!? »
Torch ricane.
« Tu crois que j’aurais laissé cette arme si puissante à tes pieds si elle était encore en état de marche ? »
J’approche l’arme de mes yeux. Un petit voyant rouge clignote à côté de la gâchette.
« J’ai utilisé la dernière munition sur la fille du phare, stupide blondasse. Ça a fait un bruit tout bizarre puis le flingue est mort. T’aurais dû vérifier quand tu l’as récupéré. »
Il se met à rire à nouveau.
Légère secousse. Nous nous agrippons chacun à la première arête rocheuse à portée.
« Mais dis-moi, la blonde, ne me dis pas que tu n’as rien pris d’autre que ce foutu flingue ? »
Il éclate de rire.
Je hurle et lui jette le pistolet à la figure.
« Ce n’est pas juste !
— C’est ce flingue qui n’était pas juste !
— Tais-toi !!! »
Je m’enfuis. Je cours dans les dédales de pierre, la sueur s’infiltrant dans mes yeux, mes mèches folles m’obstruant la vue, les joues gonflées par mon sang bouillonnant. J’évite de justesse une bouche de cheminée qui se met à souffler une vapeur brûlante. Je me retourne. Torch me poursuit.
« Non ! Lâche-moi ! »
Je me remets à courir. Secousse. Je saute sans le vouloir. On est projeté sur le côté, ma tête heurte une arête rocheuse, lui se prend une excroissance en plein dans le torse et pousse un juron.
Je ne perds pas de temps. Les tremblements ne cessent de me pousser d’avant en arrière, sur le côté. Le sang coule dans mon œil droit. Je regarde derrière moi pour voir s’il me suit toujours.
Pas de visibilité. Nouvelle vapeur suffocante qui jaillit soudainement sur ma droite. Elle frotte le long de ma cuisse et m’échauffe dangereusement la peau.
Je marche à reculons, longeant les parois rocheuses qui me forcent à suivre une voie entortillée dont je ne connais pas l’extrémité.
Grognement. Je sursaute. Un lézard n’est pas loin.
Secousse. Je m’effondre. N’arrive plus à respirer. N’arrive plus à voir. Dinosaure, tout près. Où ? Ne sais pas. Vomis.
Mes membres convulsent. Je suis dans le noir. J’attends que ça passe. Je ne sais pas si j’arrive encore à respirer.
Ethan… que diras-tu quand, à mon retour, je t’annoncerai que j’ai choisi Jon ?
Tu es là, face à moi, nous nous regardons. Je ne me souvenais pas que tes yeux étaient si chaleureux. Tu veux m’embrasser, je te repousse. À nouveau. Je ne peux pas. Tu le sais.
Ça passe. Où je suis ?
La lumière revient. Un peu. Pas de dinosaure. Pas de Torch. Seulement la roche rouge et les fumigènes sulfurés. Et les bourrasques de sable. Je crache du sang. Me relever. Maintenant.
Ethan…
Je me redresse tant bien que mal, titube, tousse et crache mes poumons.
« Dites, là, au Capitole… Vous n’en faites pas un peu trop ? »
Je ne sais pas où se trouve ma caméra imaginaire, mais de toute façon, je ne vois que le sol car je ne parviens plus à relever la tête. Tant pis, ils auront au moins la voix.
Ethan est mort. Je le sens. Mes pensées s’enfuient à mesure que je progresse vers ma mort. Mais ça au moins, ça reste net dans mon esprit. Son corps disloqué en bas de la tour météo, et son sang parti à l’assaut de mes chaussures.
Reprends-toi !
Où est Torch ? Où sont les lézards ? Je ne sais pas, je ne sais pas.
Une silhouette massive passe de l’autre côté d’une ligne rocheuse, dissimulée par les vapeurs sulfureuses et brûlantes. Je sens ses pas lourds frapper le sol. Sans odorat ni vue, le lézard est déboussolé. Il ne se rend pas compte que je suis là et s’éloigne dans la brume de couleur ocre. La silhouette devient indistincte. Se dissipe. Partie.
Je continue sur quelques pas. Je n’arrive plus vraiment à avancer.
À focaliser mon esprit sur ce qu’il faut.
Jon…
Il y a la moisson. Il y a l’entraînement. Il y a l’interview de Caesar. Il y a les Jeux. Tout ça, c’est déjà passé ?
Je tombe. Mais il n’y a pas eu de secousse.
Je crois que je ne me relèverai pas.
Secousse.
Je ris.
« Je suis déjà à terre, bande d’imbéciles. »
La terre remue et les roches s’effritent et me tombent dessus. Je les regarde en souriant.
« C’est tout ce que vous avez en stock ? »
J’attends que la terre se soit un peu calmée avant d’essayer de me lever à nouveau. Mes muscles vibrent sous ma peau, suçant les toutes dernières forces de mon corps et suffoquant à cause du manque d’oxygène. Je ne peux même pas tenir cette belle épine rocheuse, à mes pieds, qui aurait été une arme pourtant très utile : mes doigts ne parviennent plus à enserrer quoi que ce soit et s’agitent nerveusement. Enfin, j’ai l’impression qu’ils le font car je ne les sens plus depuis plusieurs minutes. Je ne vois presque plus rien et je ne sais même pas si ce ne sont pas les tremblements de ma tête qui me donnent l’impression que tout bouge.
J’avance encore un peu. Encore un peu.
Pourquoi ? Parce que je ne m’arrêterai pas. Pas maintenant, pas avant mon dernier souffle.
« Ha te voilà ! »
Torch est à cinq pas derrière moi, couvert de sang. Je suis dos à une masse rocheuse, incapable de dégager mon regard du sien.
« Pourquoi ? je lui crie. Pourquoi faut-il que tu me haïsses à ce point ? »
Il s’arrête, interdit. Les bourrasques de vent nous séparent un instant. Je remarque néanmoins des traces de griffures sur son épaule droite et sur son front. Il a dû se battre avec une de ces bestioles.
Torch semble hésiter entre rire et rester sérieux. Il tend son sabre dans une direction, balbutie un mot ou deux, avant de baisser le bras d’un geste énervé.
« Mais… C’est toi qui me détestes, petite teigneuse ! Tu me prends pour un gros taré, dis-le ! Dis-le que c’est ce que tu penses ! Mais j’ai tué moins que toi, tu sais ! »
Il titube. Il est autant crevé que moi. On est face à face, deux pauvres malheureux élus de ces Jeux insensés, et on a fait la peau à tous ceux qui n’ont pas cru en nous.
Je crois que je le déteste juste parce qu’il me ressemble. Qu’il a laissé la folie le prendre, dicter ses actes et noyer sa responsabilité. Mais lui au moins n’a pas troqué son humanité contre une morale dont il ne croit pas.
« Tu veux abuser de moi ! je lui crie par-dessus le vent qui hurle entre les roches brisées. Moi au moins, j’ai honte de ce que j’ai fait ! Toi tu n’as aucune limite ! »
Il rit.
« C’est ce qui nous différencie tous les deux, la blonde ! Tu as toujours cru que tu pouvais être sauvée ! Malgré tout ce que tu as fait ! Moi j’ai toujours pensé qu’une fois libéré, je ne pourrais plus décevoir qui que ce soit ! Car je suis au fond de tout ! »
Une nouvelle secousse nous force à nous coller contre la roche. Ses arêtes coupantes qui saillent me lacèrent la peau du dos, mais je me cramponne de toutes mes forces.
Torch a raison. Je croyais que si je gagnais, je pourrais rentrer à la maison la bouche en cœur et reprendre mes activités. Mes mots disaient le contraire, mais au fond de mon cœur, j’y croyais, tout naïve que je suis.
Je ne le sais que trop bien à présent. Qu’il n’y aura pas de retour possible.
« Tu es déjà morte. »
Jon… Pourquoi je ne t’ai pas cru ?… Pourquoi tu n’as pas cru en moi ?
« Allez, blondasse ! Finissons-en ! »
Il s’élance. Je m’enfuis en courant.
« Non ! Tu ne m’auras pas ! Jamais ! »
Toutes les alarmes de mon corps hurlent de m’arrêter. Mon cœur bat à cent battements par seconde.
Un regard derrière moi. Il se rapproche !
Cours !
« Je te tiens ! »
Il est juste derrière moi. Je cours, je cours.
Douleur soudaine dans le dos.
Je hurle.
La piqûre est froide. Je ne la connais que trop bien.
Ça me freine. Torch me retourne et me fait valser en arrière. Son sabre se dégage de moi en laissant une gerbe de sang dans son sillage. Je m’écroule trois pas plus loin.
La piqûre dans mon rein gauche me lance atrocement. Je me cambre à outrance, la main plaquée contre la blessure, les pieds dérapant frénétiquement sur la roche effritée, en hurlant à la mort. Toutes mes autres blessures se sont tues ; il ne reste que ce nouveau trou dans mos dos, béant, qui canalise toute ma douleur.
Mes hurlements rauques se désagrègent avec mon souffle qui se meurt.
Torch se penche sur moi. Il sourit comme un dément. Mes yeux se posent sur les lignes sinueuses crouteuses que les filles du phare lui ont dessinées sur le torse. Je crois que ce sont des lettres.
« Ne crève pas tout de suite, j’ai pas fini, oh… »
Il me redresse par le col et me regarde droit dans les yeux.
« Fichtre, tes yeux, qu’est-ce que je ne donnerais pas pour les regarder encore un peu. »
Il veut m’embrasser, mais ses bras se mettent à trembler et il me lâche. Je retombe sur le sol et soudain, toute la douleur s’en va.
Ha, que c’est bon ! Ne plus avoir à ressentir tout cela : les coupures, les crampes, les perforations qui pulsent atrocement, les maux de crâne…
Je me sens bien. Tous mes membres se libèrent de la tension.
Sérénité.
Torch se penche sur moi mais tout ceci m’est bien égal.
Je le regarde et me mets presque à sourire. Je le discerne mal, perdu dans les bourrasques. Mon champ de vision est si étroit que je ne vois quasiment plus qu’un point lumineux. Le visage de celui qui m’a tuée.
Torch… Mon dieu, tu ne mérites pas de gagner. Mais moi pas plus que toi…
C’est une soudaine bourrasque de vent, ou alors un tremblement de terre qui ne touche que lui et pas moi, mais Torch est soulevé dans les airs et projeté en arrière.
Non, c’est un garçon malingre qui s’est accroché à son torse et serre de toutes ses forces. Torch se débat, essaye de s’extirper de l’emprise de l’autre.
Rémi.
Je souris en le regardant s’époumoner à maîtriser Torch. Les larmes me viennent aux yeux. Je crois qu’il est venu pour moi.
Les deux garçons peinent à tenir debout à cause des perpétuelles secousses. Je vois leur image se dédoubler puis se rassembler, puis s’étirer à nouveau.
Torch donne des grands coups de bras en arrière, faisant voler les lunettes de Rémi et lui assenant de terribles coups à la figure et au torse. Il se cambre et se penche frénétiquement, soulevant Rémi comme si son poids ne comptait pas. Il finit par arriver à se libérer, donne un coup de coude à Rémi qui est propulsé en arrière. Rémi gémit, affalé contre la roche, sonné.
Je me relève et m’élance vers Torch.
« Jusqu’à la mort ! »
Je lui assène un violent coup de poing dans la mâchoire. D’abord désordonné, étonné, il peine à parer mes coups. Je frappe et frappe à nouveau, misant plus sur la rapidité que sur la force, visant des points différents de son corps à chaque coup. Torch se protège d’un bras, cherche à stopper mes coups de l’autre. Il parvient soudainement à s’emparer de mes poignets et appuie de toutes ses forces dessus pour me forcer à ployer et m’écraser au sol. Je le mords au bras jusqu’au sang ; il hurle, me lâche. Je le frappe à la tempe. Les tremblements reprennent de plus belle. Nous titubons. Mes coups touchent le vide, les siens me manquent d’un bon mètre. Je fonce sur lui et nous roulons ensemble sur la terre qui se gondole. Les fumées sortent des crevasses qui se percent autour de nous. Alors que je suis sur lui, je lui porte un coup de coude dans le nez, et j’entends l’os craquer. Ça tremble, nous roulons. Il est au-dessus, son coup de genou vise mon entrejambe. Je serre les cuisses, le renverse, le mords à nouveau jusqu’à ce qu’il lâche prise. Secousses. Terre qui hurle. Qui vomit ses fumées toxiques. Qui meurt avec nous. Nous nous retrouvons allongés côte à côte, à subir les tremblements qui nous propulsent dans toutes les directions comme de vulgaires cailloux. Nous nous étripons malgré cela. Il cherche à se relever, je lui saute sur le dos, m’agrippe à lui et le mords à la nuque. Il se redresse d’un bond, pousse des hurlements stridents. Je redescends au sol, le retourne, l’empoigne par les oreilles, le pousse en arrière, le fais heurter l’extrémité d’une cheminée qui dégage sa vapeur toxique et brûlante. Et lui mets la tête dedans.
Et pendant qu’il hurle et qu’il hurle, je le regarde brûler. La peau de son visage et de mes mains se couvrir de cloques. Ses cheveux prendre feu. Ses yeux se révulser.
Les toutes dernières larmes de mon corps jaillissent de mes yeux pendant que je le retiens avec des forces qui ne m’appartiennent pas. Les vapeurs qui nous emportent ne nous mèneront à aucun paradis. Car tout finit ici.
La voix de Torch s’éteint en un long râle d’agonie qui se perd dans le sifflement des dégagements de vapeur.
Je retombe sur les fesses. Le corps de Torch s’affale près de moi, inerte.
Tout semble si calme. Le coup de canon résonne au loin.
Tout est si calme.
On me tire en arrière.
Je ne savais pas que je m’étais écroulée.
Rémi tire sur mes bras pour m’éloigner du geyser brûlant qui continue de cracher sa haine sur nous.
Il me met à l’écart.
Je crois que la terre continue de trembler, mais les secousses me semblent plus douces.
Je contemple Rémi regarder tour à tour ma blessure au ventre, mes mains brûlées, mes bras bandés, mon visage boursouflé. Je crois qu’il est en larmes car je vois des furtifs points de lumière qui s’échappent de ses yeux en scintillant avant de s’écraser au sol.
Il se penche sur moi. Je n’arrive pas à le distinguer nettement. Je ne me souvenais plus qu’il était si adorable.
« Et merde, je lâche enfin. Je t’avais oublié, toi. »
Rémi m’adresse une moue contrite. Délicatement, il rabat une de mes mèches qui me barrent la figure.
« Il faut croire que je n’avais vraiment pas envie de te tuer. »
Il ne peut s’empêcher de sourire à ma remarque.
« Ôte-toi un instant du champ de ma caméra, je lui sors après avoir ravalé ma salive pleine de sang. Que je puisse dire un dernier mot à mes admirateurs. »
Rémi fronce les sourcils, moi j’ai le regard porté à l’horizon, par-dessus son épaule.
« Chers amis, je lance, avec un accent voulant imiter celui de Caesar, ne me jugez pas trop durement. »
Je plonge dans une quinte de toux et ne parviens pas à finir ma déclaration. Rémi me tient la main et pose l’autre sur mon front.
Jon n’est pas loin. Il se tient à mes côtés, lui aussi. Je lui souris.
« Hey, te voilà enfin… »
Il fronce des sourcils.
« Tu ne m’aurais pas un peu oubliée dans cette arène, je lui sors en faisant la moue. Je les ai attendus, tes parachutes ! »
Il m’adresse un sourire attendri avant de se rembrunir.
« Tu sais, dans les Jeux, il ne s’agissait pas de tuer tous les autres, mais juste de survivre à tout prix. Tu pourras me dire que ça revient au même. Mais c’est en fait bien différent. »
Je le regarde dans les yeux, interloquée.
« J’ai fait ce que j’ai pu… Il me fallait… terminer cela au plus vite. Tu le sais, ça. Dis-moi que tu le sais.
— Je le sais bien. »
Il me tapote la main. Il a retrouvé ses lunettes aux verres fendus, qu’il a remis sur le bout de son nez.
« Tu portes des lunettes… à présent ? »
Les larmes aux yeux, il me fait non de la tête, puis pose un doigt sur mes lèvres.
« Chut… Repose-toi, à présent. »
Je lui caresse la joue.
« Jon… »
Le sang bouillonne dans ma bouche.
« Souvenez-vous… que j’ai sauvé la vie… d’une fille de mon district… »
Les battements de mon cœur sont si faibles…
« Jon… embrasse-moi. »
Il hésite puis se penche au-dessus de moi. Ses lèvres sont chaudes, réconfortantes. Mais le baiser me paraît trop court.
Il fait glisser un doigt doucement sur ma bouche.
« J’aime tes jolies lèvres bien dessinées, il susurre, la voix tremblante. Avec leurs courbes si prononcées. Tu es une belle femme, Azurée. »
Je lui souris.
Merci…
Je suis prise de convulsions.
Je tousse, crache mes derniers souffles d’air. La nuit se referme sur moi.
« Oh mon Dieu… Laisse-moi dire… encore… un…
 
… mot. »
 
 
Coup de canon.
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